C'est la première grande explication de Bruno Le Maire sur le dérapage des comptes publics depuis son départ le 21 septembre de son bureau de Bercy, qu'il a occupé pendant sept ans. L'ancien ministre de l'Économie et des Finances a ouvert ce jeudi 7 novembre la série d'auditions organisée par la commission des finances du Sénat, qui a réactivé sa mission d'information sur la dégradation des finances publiques.
Une Transparence Nécessaire pour Restaurer la Confiance
Une Situation Budgétaire Préoccupante
Les prévisions de déficit pour cette année se sont aggravées, s'éloignant encore plus de la cible initiale de 4,4 % du produit intérieur brut pour se creuser à 6,1 % du PIB. Cette dérive hors période de crise est qualifiée d'"absolument inédite sous la Ve République" par Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes. Bruno Le Maire, qui se considère désormais comme un "homme libre", a tenu à apporter sa vérité sur cette situation, affirmant qu'il n'y a eu "ni faute, ni dissimulation, ni volonté de tromper".Les Choix du Gouvernement Actuel
Selon l'ancien ministre, le déficit de 6,1 % n'est pas de son fait, mais "le choix du gouvernement actuel". Il estime que si les mesures préparées avec Thomas Cazenave, l'ancien ministre chargé des Comptes publics, avaient été prises, cela "aurait permis de contenir le déficit pour 2024 à 5,5 % sans augmentation d'impôts". Bruno Le Maire déplore que le gouvernement n'ait pas fait de mesures rétroactives sur la rente des énergéticiens, la taxation des superprofits et des rachats d'action, ni approfondi les économies proposées.Les Défis de la Prévision Budgétaire
Bruno Le Maire attribue une grande partie de la dégradation des finances publiques aux modèles de prévision des recettes fiscales, qui ont échoué à viser juste sur l'élasticité, soit la variation des recettes fiscales lorsque l'activité connaît une évolution de 1 %. Cette élasticité a été de 0,4 point en 2023, soit 21 milliards d'euros de recettes fiscales en moins. Pour 2024, Bercy table sur 0,8 point de recettes pour 1 point de PIB, alors que l'élasticité n'est que de 0,6, soit 20 milliards d'euros en moins. Au total, ces erreurs de prévisions représentent une facture de 41 milliards d'euros.Le Rôle du Ministre des Finances
Bruno Le Maire insiste sur le fait que le ministre des Finances ne doit pas intervenir dans la prévision des recettes, afin d'éviter tout risque de manipulation. Il défend en revanche son rôle dans la prévision de croissance, qui est le fruit d'une décision politique. Sur les choix de politique budgétaire, il dresse la liste des arbitrages gagnés et perdus, soulignant que le ministre des Finances ne décide pas tout seul, mais dans un cadre de concertation.Vers une Commission d'Enquête
Cette audition de Bruno Le Maire n'a pas tourné au mea culpa, mais plutôt à un "feu d'artifice d'autosatisfaction" selon le sénateur Jean-François Husson. Une nouvelle audition devant la commission des finances de l'Assemblée, transformée pour six mois en commission d'enquête, est prévue d'ici la fin du mois, avec des pouvoirs élargis pour faire toute la lumière sur cette situation.