Présidentielle en Tunisie : 89,2 %, un score à l’algérienne pour Kaïs Saïed

Oct 6, 2024 at 10:09 PM

Élection présidentielle tunisienne : un scrutin verrouillé et une abstention record

Sur les écrans de la Wataniya 1, la chaîne nationale publique, la soirée électorale s'effectuait sur fond d'éloge de la nation, d'images de la guerre d'indépendance, d'interviews pré-résultats. Le calme qui précède l'effervescence des duplex, cette mosaïque de journalistes disposés aux quatre coins du pays, du Kef à Monastir, Gafsa...

Un résultat écrasant qui soulève de nombreuses interrogations

Une participation au plus bas

Au cœur d'une journée sans relief dans des bureaux de vote clairsemés, deux instituts de sondages accordaient 75 % des voix (sondages sortis des urnes) dès 15 heures. Puis vers 17 heures, le frère du président de la république, Naoufel Saïed prenait la parole pour demander aux gens de « se rendre en masse » dans les bureaux de vote. Dans la supplique de ce personnage clé du pouvoir, on percevait de la fébrilité. Des pages Facebook embrayaient, dénonçant « le système qui a mis tout son poids » pour tenter de contrer la victoire.La participation, enjeu de ce scrutin, au plus bas avec seulement 27 % des électeurs qui se sont déplacés, soit 2,4 millions de votants sur un collège électoral de plus de neuf millions. Un sondage sorti des urnes accordait sinon la victoire, au moins la présence au second tour d'Ayachi Zammel, emprisonné depuis le 2 septembre et condamné depuis le 18 septembre à plus de quatorze de prison dans plusieurs affaires de « falsification de parrainages ». Son équipe de campagne annonçait sa présence au second tour face au président candidat.

Un score écrasant qui soulève de nombreuses interrogations

À 20 heures, celui qu'on surnomme « l'oracle », Hassan Zargouni apparaissait sur l'antenne de la Wataniya pour donner les résultats des sondages menés par son institut Sigma. Celui-ci a été fiable lors des précédents scrutins (de 2014 à 2019), anticipant la victoire de Saïed à la présidentielle de 2019. Le sondeur douchait tout espoir de l'opposition en assurant le candidat Saïed de 89,2 % soit deux millions de voix contre 6,9 % à Ayachi Zammel (169727 voix) et 3,9 % pour Zouhair Maghzaoui (95933 voix).Ce score de 89,2 % a laissé sans voix ses opposants – dont plusieurs centaines sont en prison – et confirmé le tournant algérien que prend la Tunisie sous la férule de Kaïs Saïed. 89,2 % c'est cinq points de plus qu'Abdelmadjid Tebboune, présent réélu en Algérie le 7 septembre. Un score écrasant tempéré par une abstention de 73 % (Sigma). La participation perd vingt-un points par rapport à la précédente élection de 2019.

Un scrutin verrouillé qui soulève de nombreuses interrogations

L'ampleur du score provoque un séisme. Parmi les opposants qui tenaient pour acquis que l'homme fort de Carthage serait réélu tant le scrutin a été verrouillé en amont, on accusait le choc. « Deux millions de voix, c'est énorme » dit un membre d'un parti dont les dirigeants sont en prison. En 2019, ils étaient 620711 à lui accorder leurs voix au premier tour. Malgré un bilan économique et la liquidation des instances démocratiques, l'homme triple son score. Il avait convaincu 2,7 millions de suffrages au second tour.L'ISIE, l'instance électorale sous gouvernail de la présidence de la république, annoncera des résultats provisoires lundi 7 octobre à 19 heures Elle devrait entériner les sondages de Sigma. Quel que soit le degré de contestations des résultats, Kaïs Saïed a les mains libres pour accomplir son destin messianique : rendre aux pauvres les biens des riches. Mélange de Kadhafi des années 70, de Chavez (sans pétrole mais des dattes), de vertus coraniques, son ADN n'est pas simple à saisir. La première question sera d'observer s'il met en place une politique de répression de large ampleur.