La Voiture, Maîtresse de Notre Imaginaire

Alors que le Mondial de l'Auto attire l'attention sur les dernières innovations automobiles, le collectif Résistance à l'Agression Publicitaire (RAP) remet en question cette vision avec la publication d'un rapport percutant intitulé "Stop à la Pub Automobile - La Voiture à l'Assaut de Notre Imaginaire". Ce document inédit, qui épluche 137 publicités diffusées entre septembre 2022 et septembre 2023, met en lumière l'influence des publicités automobiles sur notre perception de la voiture et leur incompatibilité avec les objectifs climatiques.

Une Emprise Publicitaire Omniprésente

### L'Omniprésence de la Publicité AutomobileLa pression publicitaire exercée par le secteur automobile est véritablement écrasante. Dès que l'on allume la télévision, ouvre un journal ou marche dans la rue, on est bombardé de publicités automobiles. Elles sont particulièrement visibles sur les panneaux adressés aux automobilistes, le long des routes, mais aussi à la télévision et dans la presse quotidienne. En 2019, cela représentait 28 pages de presse par jour, 318 718 affiches dans l'espace public sur l'année, et 8 h 45 de spots publicitaires par jour, toutes chaînes confondues. Un chiffre impressionnant, équivalent à dix-sept journaux télévisés ou à une journée de travail complète.Les constructeurs utilisent dans ces publicités une panoplie de symboles et de ressorts publicitaires très sophistiqués, dignes de véritables courts-métrages. Ils cherchent ainsi à ancrer profondément dans notre imaginaire l'attrait de l'automobile.### L'Évolution des Ressorts PublicitairesLes ressorts utilisés par les constructeurs pour pérenniser le rêve automobile ont évolué au fil du temps. Autrefois, on voyait des voitures quasi-avions, des publicités où les véhicules semblaient presque voler. Aujourd'hui, les images montrent souvent des véhicules imposants, occupant une place centrale et exerçant une domination évidente sur l'espace environnant. Les voitures sont toujours présentées seules, dans de vastes espaces vides, sans embouteillages - loin de la réalité.La vitesse est également un ressort récurrent, même si elle est davantage suggérée qu'explicitement montrée. La sécurité et le confort sont également mis en avant, avec des voitures connectées à la technologie moderne. Le futurisme technologique est omniprésent. Enfin, l'aventure et la liberté sont des thèmes fréquents, tout comme les stéréotypes de genre, les hommes étant souvent représentés comme des experts, tandis que les femmes sont associées à la consommation.### La Valorisation des Véhicules Lourds et PolluantsMalgré les défis climatiques actuels, les constructeurs continuent de promouvoir des véhicules lourds, puissants et polluants. Ils s'obstinent dans cette voie du "Titanic de l'excès", refusant de s'orienter vers des modèles plus légers, mieux dimensionnés, avec moins de vitesse ou à une seule place.Ce conservatisme semble s'expliquer par une croyance forte dans le dogme de la croissance économique et du profit à tout prix. Les constructeurs ne peuvent pas imaginer un monde dans lequel ils ne grandiraient pas. Ils se raccrochent ainsi à la solution de la voiture électrique, tout en continuant de produire des SUV électriques, ce qui n'a pas de sens d'un point de vue environnemental.### Le Poids Colossal de la Dépense PublicitaireAvant la crise du Covid-19, l'automobile était le second plus gros secteur en termes de dépenses publicitaires, avec environ 2,5 milliards d'euros investis en 2019. Cette dépense colossale joue un rôle essentiel dans la perpétuation de la culture automobile actuelle.La publicité est un moyen très efficace d'imposer un message et de le répéter jusqu'à ce qu'il devienne une norme intégrée dans notre inconscient. Les constructeurs utilisent cette logique de répétition pour s'assurer que leur marque reste omniprésente dans l'esprit des acheteurs, même en période de crise. Cela leur permet de coloniser notre imaginaire et de freiner la visibilité des alternatives écologiques, noyées dans un flot constant de publicités valorisant la vitesse, la puissance et l'individualisme.

Une Autorégulation Inefficace

### Les Limites des Contrats ClimatFace à cette pression publicitaire, les pouvoirs publics ont tenté de mettre en place des mesures d'autorégulation, comme les contrats climat. Mais ces initiatives se sont révélées inefficaces, victimes des lobbies de l'industrie automobile et du secteur publicitaire.Lors de la Convention citoyenne pour le climat, des mesures assez radicales pour limiter les publicités des produits polluants, notamment les voitures, ont été proposées. Mais les lobbies ont réagi en invoquant la menace économique, affirmant que cela détruirait des emplois et causerait des dégâts massifs pour les médias dépendants des revenus publicitaires. Le gouvernement a finalement opté pour ces contrats climat, qui se contentent d'afficher des promesses vagues et non chiffrées, sans aucune véritable sanction en cas de non-respect.### La Nécessité d'Interdire la Publicité AutomobileFace à l'inefficacité de l'autorégulation, le collectif RAP préconise l'interdiction des publicités pour tout véhicule terrestre à moteur supérieur à 270 kg. Cette mesure, bien que radicale, est tout à fait réalisable et souhaitable.Certains députés ont déjà proposé des lois similaires, visant à interdire les publicités de véhicules pesant plus de 500 kg. L'objectif est de cibler principalement les voitures individuelles, au cœur du problème écologique. Une telle interdiction pourrait être mise en place progressivement, sur plusieurs années, à l'instar de l'interdiction des publicités pour le tabac.Bien que nécessaire, l'interdiction de la publicité automobile ne sera pas suffisante à elle seule. Il faudra également s'assurer que les options de mobilité durable soient accessibles et attractives, en les rendant moins chères et plus pratiques. Seule une combinaison de mesures pourra permettre de véritablement changer la culture automobile et de dénormaliser l'idée que la voiture individuelle est un besoin essentiel.