La Stevia, une Ressource Précieuse Sous-Exploitée

Oct 25, 2024 at 3:19 AM
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La stevia, cette plante originaire du cœur de l'Amérique du Sud, a depuis longtemps dépassé les frontières de sa région d'origine. Devenue un substitut idéal du sucre, ses usages dans l'industrie agroalimentaire et cosmétique sont innombrables. Pourtant, les communautés indigènes qui en sont les véritables détentrices n'ont jamais été justement rémunérées pour cette exploitation. Alors que la biodiversité exceptionnelle de l'Amérique latine représente une manne de ressources génétiques inestimables, la réglementation actuelle peine à assurer une juste redistribution des bénéfices tirés de leur utilisation.

Une Richesse Naturelle Exploitée sans Contrepartie

La Stevia, Emblème de la Biopiraterie

La stevia n'est que l'exemple le plus emblématique des nombreux cas de biopiraterie dont ont été victimes les pays d'Amérique latine. Leur biodiversité exceptionnelle recèle une multitude de ressources génétiques d'une valeur inestimable pour la fabrication de nouveaux médicaments, de produits de beauté et bien d'autres applications. Malheureusement, les communautés locales qui en sont les dépositaires n'ont jamais été justement rémunérées pour cette exploitation. Les scientifiques et industriels du monde entier s'en frottent encore les mains, tandis que les peuples autochtones enragent de voir leurs trésors naturels pillés sans contrepartie.

Un Cadre Réglementaire Dépassé

Le débat sur la juste rémunération de l'utilisation des ressources génétiques n'est pas nouveau. Dès 2010, le protocole de Nagoya avait prévu la mise en place d'un mécanisme de redistribution des bénéfices en faveur des pays d'origine de ces précieuses ressources. Mais les progrès technologiques ont depuis largement dépassé ce cadre réglementaire. Aujourd'hui, grâce au séquençage génétique, de nombreuses ressources - les Digital Sequence Informations (DSI) - sont directement accessibles en ligne, sans que les communautés locales n'en tirent le moindre bénéfice. "Ces avancées ont rendu obsolète le protocole de Nagoya", déplore Martha Gomez, chercheuse à l'université Externado de Bogota.

La Défense des Communautés Autochtones

Face à cette iniquité, les communautés indigènes et paysannes se montrent de plus en plus sur la défensive. "Les vrais propriétaires de ces ressources, c'est nous !", clame Elvis Kaxinawa, membre du peuple Huni Kuin du Brésil. "Ils utilisent les données de nos plantes pour ensuite commercialiser leurs produits et, quand ils promettent de l'argent, il n'arrive jamais." Certaines communautés, comme celle de San Cipriano en Colombie, vont même jusqu'à cacher certaines plantes dans la jungle pour éviter qu'elles ne soient prélevées et utilisées sans leur consentement.

Le Défi de la Traçabilité

Consciente de ces enjeux, la Colombie a fait des DSI une priorité lors de la COP16 qui se déroule actuellement à Cali. "Ces données nous échappent, d'autres les utilisent et nous ne nous en rendons même pas compte", s'est émue la ministre colombienne de l'environnement, Susana Muhamad. Le pays andin, soutenu par ses voisins latinos et de nombreux pays africains, vise une actualisation de la réglementation qui prendrait en compte ces nouvelles réalités.Mais un défi de taille reste à relever : celui de la traçabilité des DSI. "Pour développer un produit, une entreprise utilise des milliers de séquences génétiques et dire que telle séquence vient de tel ou tel pays est très complexe", explique Felipe Figueroa Cardozo, avocat spécialiste en propriété intellectuelle. Le fossé qui sépare les pays du Nord et ceux du Sud global réduit également les perspectives d'un accord international. Un échec des négociations entacherait en tout cas le bilan global de la COP.

Une Richesse Naturelle à Préserver

Au-delà des enjeux économiques, la préservation de cette biodiversité exceptionnelle est un défi crucial pour l'humanité. Ces ressources génétiques représentent un potentiel inestimable pour le développement de nouveaux médicaments, de produits de beauté innovants, et bien d'autres applications encore insoupçonnées. Mais leur exploitation doit se faire dans le respect des communautés qui en sont les dépositaires légitimes, afin de garantir une juste redistribution des bénéfices. C'est un enjeu de justice sociale, mais aussi de préservation d'un patrimoine naturel d'une valeur inestimable pour l'avenir de notre planète.