Réveil Courrier du 12 septembre 2024

Sep 12, 2024 at 12:00 AM

La reconstruction de l'Ukraine : un chantier titanesque pour le capitalisme

Lors d'un petit-déjeuner de travail à Davos en janvier 2023, le directeur général de BlackRock, Larry Fink, a laissé entendre que la reconstruction de l'Ukraine après la guerre pourrait "envoyer un message au reste du monde sur la force du capitalisme". Cette déclaration soulève des questions sur les motivations économiques et idéologiques qui se cachent derrière les efforts de reconstruction du pays.

Une opportunité pour le capitalisme de se réinventer

Le "capitalisme du désastre" à l'œuvre

Depuis la chute de l'Union soviétique, l'Ukraine a été le théâtre d'une "thérapie de choc" néolibérale, avec des réformes économiques musclées qui n'ont jamais permis au pays de se remettre totalement. La guerre actuelle vient remettre au goût du jour cette fusion entre politiques économiques néolibérales et avancées technologiques audacieuses, notamment l'intelligence artificielle et la dématérialisation. Depuis le début de l'invasion, l'Ukraine a déjà bénéficié de l'afflux de dons, de consultants, d'experts, d'ingénieurs et de capital-risque en provenance de l'Occident, permettant la mise en service expérimentale d'outils faisant appel à l'IA pour le déminage ou la collecte de données satellitaires.

La reconstruction, un chantier titanesque

La Banque mondiale estime que la reconstruction de l'Ukraine coûterait près de 500 milliards de dollars. Au-delà de l'effroyable bilan humain, la guerre a dévasté l'économie du pays, avec une chute de 30 à 35% de son PIB la première année du conflit. Le taux de pauvreté a plus que quadruplé et une famille sur trois vit aujourd'hui dans l'insécurité alimentaire. Plus de 15% du territoire ukrainien, dont certaines des terres agricoles les plus fertiles, est parsemé de mines et de munitions non explosées.

Les fondements idéologiques de la reconstruction

Face à l'ampleur des destructions, Kiev s'est déjà attelé aux fondements idéologiques et technologiques de la reconstruction. Le politologue Oleksandr Svitych qualifie cependant la stratégie actuelle de malavisée, témoin de la "rationalité libérale mondiale encore dominante, selon laquelle tout doit être aligné sur le marché". Cette vision soulève des interrogations sur les véritables motivations qui se cachent derrière les efforts de reconstruction, entre opportunités commerciales et triomphe du capitalisme.

Les défis de la transition post-soviétique

Les crises économiques à répétition qui ont précédé la guerre avec la Russie compliqueront la reconstruction. Lorsque l'Ukraine a obtenu son indépendance en 1991, les débuts de la transition ont été ruineux, marqués par des privatisations arbitraires et l'émergence d'une oligarchie. Comme le souligne le sociologue Volodymyr Ishchenko, cette transition s'est avérée ressembler davantage à une "démodernisation" qu'à une modernisation, sans nouveau vecteur de développement pour remplacer un projet soviétique en déclin.

L'émigration massive, un défi supplémentaire

La désindustrialisation a entraîné une fuite massive des emplois, et peu de temps après, les gens ont également disparu, avec une émigration massive. Ce phénomène ajoutera une difficulté supplémentaire à la reconstruction, en privant l'Ukraine d'une partie de sa main-d'œuvre qualifiée.En définitive, la reconstruction de l'Ukraine représente un chantier titanesque, non seulement sur le plan matériel, mais aussi sur le plan idéologique. Les efforts déployés soulèvent des interrogations sur les véritables motivations qui se cachent derrière cette entreprise, entre opportunités commerciales et triomphe du capitalisme. La transition post-soviétique du pays, marquée par des crises économiques et une émigration massive, ajoutera également des défis de taille à relever.