Au cœur de ce bouleversement se trouve une stratégie radicale adoptée par plusieurs grands acteurs du secteur. Des augmentations significatives des prix des véhicules thermiques sont mises en œuvre pour réduire l'écart financier entre ces modèles et leurs homologues électriques. Cette approche vise à inciter les consommateurs à opter pour des alternatives plus écologiques, mais elle soulève également des questions importantes concernant l'équité et l'efficacité d'une telle démarche.
Pour illustrer cette tendance, Peugeot a récemment appliqué une hausse de 500 euros sur l'intégralité de sa gamme thermique. Renault, quant à lui, a franchi un cap encore plus important avec une augmentation de 3 000 euros sur sa Clio. Ces ajustements tarifaires s'inscrivent dans un contexte réglementaire exigeant, où les constructeurs doivent atteindre un objectif de 20% de parts de marché pour les voitures électriques dès 2025, alors que ce chiffre ne représente actuellement que 13% en Europe.
Cette nouvelle politique tarifaire n'est pas sans conséquences pour l'ensemble de l'industrie automobile. Les experts s'inquiètent des effets en cascade potentiels sur la chaîne d'approvisionnement et les sous-traitants. Un expert anonyme d'un grand constructeur européen prévient contre les risques de baisse générale des ventes dans un marché déjà fragile. La destabilité du secteur automobile est une menace réelle, notamment face à des contraintes réglementaires de plus en plus strictes.
Luc Chatel, président de la Plateforme Automobile (PFA), exprime une frustration palpable : "À un moment donné, ça suffit. Nous sommes confrontés à une double contrainte : l'impossibilité de vendre suffisamment de véhicules électriques et la pénalisation sur les véhicules thermiques." Cette situation complexe nécessite des solutions innovantes pour naviguer entre les exigences environnementales et les réalités économiques du marché.
Face à ces défis, certains constructeurs explorent des approches alternatives pour respecter les normes européennes tout en minimisant l'impact négatif sur le marché. Volkswagen, par exemple, a réussi à proposer son ID.3 sous la barre des 30 000 euros, démontrant qu'une stratégie de prix agressive sur l'électrique peut porter ses fruits. Cette initiative ouvre la voie à d'autres stratégies potentielles qui pourraient favoriser une transition plus douce et équitable.
Les constructeurs disposent également d'autres leviers pour répondre aux exigences réglementaires. L'achat de crédits CO2 offre une flexibilité immédiate, comme le montre le partenariat entre Tesla et d'autres fabricants. La mutualisation des émissions permet un partage des risques, tel que l'alliance entre Suzuki et Volvo. Enfin, l'investissement en recherche et développement (R&D) constitue une solution à long terme, avec le développement de nouvelles plateformes technologiques qui pourraient révolutionner l'industrie.
Cette stratégie de prix crée un système de "subvention croisée" selon Denis Schemoul, analyste chez S&P Global. Les acheteurs de véhicules thermiques financent indirectement la transition vers l'électrique, permettant aux constructeurs de proposer des remises plus importantes sur leurs modèles électriques. Bien que ce mécanisme puisse accélérer la transition énergétique, il soulève des inquiétudes quant à l'exclusion possible d'une partie des consommateurs du marché du neuf.
Les analystes estiment que ce mécanisme pourrait pousser certains consommateurs vers le marché de l'occasion ou à conserver plus longtemps leur véhicule actuel. Il est donc crucial de trouver un équilibre entre l'encouragement de la transition électrique et la protection des intérêts des consommateurs, afin de garantir une adoption durable et inclusive des technologies vertes.