“L’antisémitisme est un révélateur des troubles de notre société” : entretien avec le président du Crif, un an après le 7 octobre

Oct 5, 2024 at 6:01 PM
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L'antisémitisme en France : Une menace croissante qui ébranle les fondements de la République

Depuis le 7 octobre, la France fait face à une flambée d'actes antisémites sans précédent. Yonathan Arfi, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), nous éclaire sur cette inquiétante tendance et les défis auxquels la société française est confrontée.

Une vague d'antisémitisme sans précédent qui menace l'unité nationale

Une escalade alarmante des actes antisémites

Selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, le nombre d'actes antisémites en France a connu une hausse vertigineuse ces dernières années. Alors que dans les années 90, on comptait quelques dizaines d'actes par an, ce nombre s'est élevé à plusieurs centaines entre 2000 et 2022. Mais l'année 2023 et 2024 marquent un tournant inquiétant, avec déjà 887 actes antisémites enregistrés entre le 1er janvier et le 30 juin 2024, soit presque le double de l'ensemble de l'année 2022.Cette accélération massive du phénomène n'est malheureusement pas surprenante. Après chaque acte antisémite majeur, on observe un effet de mimétisme qui se traduit par une hausse des incidents, au lieu d'un élan d'empathie envers la communauté juive. L'attaque de la synagogue de La Grande Motte, le 24 août, en est une tragique illustration, avec la volonté affichée de tuer des juifs.

Les ressorts d'un antisémitisme multiforme

Cet antisémitisme qui a explosé depuis le 7 octobre revêt des formes diverses, s'adaptant aux maux du moment pour mieux se propager. Deux sources majeures sont identifiées : la haine de l'État d'Israël, utilisée comme prétexte, et la montée de l'islamisme radical qui corrompt des esprits fragiles.Les discours complotistes, favorisés par la viralité des réseaux sociaux, connaissent également une croissance fulgurante. Fait inquiétant, les jeunes de 18-24 ans sont désormais plus enclins aux préjugés antisémites que les générations précédentes.L'école, qui était longtemps considérée comme un sanctuaire, n'est plus épargnée par ce fléau. Le nombre d'actes antisémites et racistes y a été multiplié par trois depuis les attaques du 7 octobre. Une confusion est faite entre la communauté juive et la politique de l'État d'Israël, rendant les élèves juifs victimes d'ostracisme.

Une société française fragilisée par les divisions

Le 7 octobre a eu un effet de loupe sur les fractures et les divisions de la société française. Sur le plan politique, l'alliance de la gauche républicaine avec la France insoumise, qui a fait de la question de Gaza le cœur de sa campagne électorale, a été perçue par la communauté juive comme une trahison de ses propres valeurs.Cette montée de l'antisémitisme témoigne également de la porosité de notre société aux assignations identitaires. Face à ce constat, il est urgent de réaffirmer les principes républicains universalistes pour endiguer ces dérives dangereuses pour la cohésion nationale.

Un appel à la fermeté et à la solidarité

Face à cette situation alarmante, le Crif appelle à une plus grande fermeté des pouvoirs publics, notamment en traitant l'antisionisme comme un masque de l'antisémitisme. Il demande également une réponse éducative, judiciaire, intellectuelle et idéologique adaptée à l'ampleur du phénomène.Au-delà des mesures institutionnelles, c'est un cri du cœur que le Crif adresse à la société française. L'élan de solidarité et l'indignation face à ces actes sont essentiels pour que les juifs de France puissent se projeter sereinement dans leur avenir, en tant que partie prenante à part entière de la République.Car l'antisémitisme n'est pas seulement une menace pour la communauté juive, c'est un révélateur des troubles de notre société qui finit toujours par s'attaquer aux fondements mêmes de notre démocratie.