En Tunisie, Kais Saied a dominé la présidentielle, l’opposition s’en remet à l’armée

Oct 7, 2024 at 10:13 AM

Élection présidentielle en Tunisie : Kaïs Saïed réélu, mais à quel prix ?

Dimanche soir, les résultats de l'élection présidentielle tunisienne ont été annoncés, avec une victoire écrasante du président sortant Kaïs Saïed. Cependant, cette victoire soulève de nombreuses questions sur la légitimité du processus électoral et les défis qui attendent le pays dans les années à venir.

Une victoire à la Pyrrhus pour Kaïs Saïed

Une victoire écrasante, mais une abstention record

Kaïs Saïed a été réélu avec un score impressionnant de 89,2% des voix. Cependant, ce résultat doit être nuancé par un taux d'abstention record de 72,3%, soit le plus faible depuis le printemps arabe de 2011. Cette abstention massive soulève des questions sur la légitimité du président réélu et sa capacité à rassembler l'ensemble de la population tunisienne.

Une campagne marquée par des controverses

La campagne électorale a été marquée par plusieurs controverses, notamment avec la candidature d'Ayachi Zammel, un industriel libéral qui a fait campagne depuis sa cellule, devant répondre à des accusations de faux parrainages. De même, le député de la gauche panarabe Zouhair Maghzaoui a dénoncé "une manœuvre" de préparation des esprits, avant de s'en remettre aux militaires, qu'il considère comme les seuls remparts contre un régime qui tombe dans l'autoritarisme.

Une opposition qui crie à la "mascarade"

L'opposition, réunie dans un collectif de vingt associations et neuf partis, a dénoncé une "mascarade" électorale. Des recours juridiques devraient être déposés pour contester une élection qui a notamment écarté trois partis d'opposition malgré une décision du tribunal administratif de les réintégrer dans la course présidentielle.

Le rôle de l'armée, un enjeu crucial

L'armée, considérée comme le dernier contre-pouvoir en Tunisie, a joué un rôle important dans le processus électoral. Certains généraux auraient exprimé des "divergences sur des dossiers stratégiques" concernant la gestion du scrutin, ce qui aurait entraîné un vaste remaniement ministériel et le bannissement de l'exécutif de deux hauts gradés.

L'absence d'observateurs électoraux, un manque de transparence

Pour la première fois depuis la révolution de 2011, les observateurs électoraux issus de la société civile (Mourakiboun, "les contrôleurs") n'ont pas pu faire leur travail. Kaïs Saïed a pris les devants en faisant changer la loi électorale à seulement dix jours de l'échéance, rendant les objections bien plus difficilement recevables.

Une victoire à la Pyrrhus pour Kaïs Saïed

Malgré sa victoire écrasante, Kaïs Saïed n'a pas de quoi triompher. Son mandat sera marqué par de nombreux défis, notamment la nécessité de rassembler une population profondément divisée et de restaurer la confiance dans les institutions démocratiques. La Tunisie se trouve à un carrefour crucial de son histoire, et les choix qui seront faits dans les années à venir auront des conséquences profondes sur l'avenir du pays.